Vous envisagez un divorce ou traversez une séparation difficile ? Vous vous interrogez sur vos droits, vos obligations ou la procédure à suivre ?
Le divorce reste un sujet sensible, souvent chargé d’émotions, et entouré de nombreuses idées reçues. Entre ce que l’on croit savoir, ce que l’on entend autour de soi, et ce que prévoit réellement la loi, il existe parfois un fossé.
Le divorce est souvent entouré de fausses croyances qui compliquent la prise de décision.
En tant qu’avocate en droit de la famille, je vous propose de faire le point sur 5 idées reçues fréquentes sur le divorce.
❌ Idée reçue n°1 : "Il faut forcément passer devant un juge pour divorcer"
Faux.
Depuis la loi du 18 novembre 2016, entrée en vigueur le 1er janvier 2017, il est possible de divorcer sans passer devant un juge, à condition que les deux époux soient entièrement d’accord sur la rupture du mariage et sur toutes ses conséquences (résidence des enfants, pension alimentaire, partage des biens, prestation compensatoire, etc.).
On parle alors de divorce par consentement mutuel par acte d’avocats (article 229-1 du Code civil).
Chaque époux doit être assisté par son propre avocat, et l’accord est formalisé par une convention signée, puis déposée au rang des minutes d’un notaire, ce qui lui donne force exécutoire.
En revanche, le juge intervient toujours en cas de désaccord entre les époux ou si un enfant demande à être entendu.
💡 Ce divorce “sans juge” est en principe plus rapide et moins conflictuel, car il repose sur un accord global. Il représente aujourd’hui une part importante des divorces en France.
⚠️ Attention cependant : si un désaccord existe sur un seul point (par exemple la pension ou le partage d’un bien immobilier), le divorce devra être porté devant le juge et suivre l’une des procédures judiciaires prévues par le Code civil.
❌ Idée reçue n°2 : "Celui qui demande le divorce perd des droits"
Faux.
Le droit au divorce est un droit personnel. Que vous soyez à l’initiative de la procédure ou non, cela n’impacte en rien vos droits patrimoniaux ou parentaux. Le juge ne « sanctionne » pas celui qui demande le divorce.
Le fait de demander le divorce en premier ne vous place donc ni en tort, ni en position de faiblesse. La loi ne pénalise pas l’époux demandeur, quelle que soit la procédure engagée.
Chaque époux peut faire valoir ses droits, que ce soit sur :
- la garde des enfants,
- la pension alimentaire,
- la prestation compensatoire,
- le partage des biens.
👉 Il existe quatre cas de divorce en droit français :
- Divorce par consentement mutuel (article 229-1 C. civ.) : les époux sont d’accord sur tout.
- Divorce accepté (article 233 C. civ.) : les époux sont d’accord pour divorcer, mais pas sur les conséquences.
- Divorce pour altération définitive du lien conjugal (article 237 C. civ.) : si les époux vivent séparés depuis au moins un an.
- Divorce pour faute (article 242 C. civ.) : en cas de violation grave ou renouvelée des devoirs du mariage (violences, adultère, abandon du domicile…).
👉 Même dans le divorce pour faute, les effets ne sont pas automatiques : le juge apprécie les faits, et peut accorder des dommages et intérêts à l’époux victime si la rupture lui cause un préjudice particulier (article 266 C. civ.). Mais cela ne remet pas en cause le partage des biens ni les droits relatifs aux enfants, qui sont déterminés en fonction des besoins et de l’intérêt des enfants, pas en fonction d’une quelconque « responsabilité ».
⚖️ Le partage des biens ou la fixation de la pension alimentaire ne dépendent pas de la personne à l’origine du divorce, mais de critères objectifs : contributions respectives aux charges du mariage, revenus, besoins des enfants, régime matrimonial…
💡 En résumé : faire la démarche de demander le divorce n’est jamais une faiblesse. Cela peut au contraire permettre de reprendre l’initiative, de faire valoir ses droits, et de sortir plus sereinement d’une situation conjugale difficile.
❌ Idée reçue n°3 : "Le parent chez qui les enfants vivent a tous les droits"
Faux.
Dans la grande majorité des cas, les parents exercent l’autorité parentale conjointe même après un divorce (article 372 du Code civil). Cela signifie qu’ils doivent prendre ensemble toutes les décisions importantes concernant l’enfant : choix de l’école, suivi médical, orientation religieuse, activités extra-scolaires, et surtout, un éventuel changement de résidence géographique.
Le fait que l’enfant réside principalement chez un seul parent ne lui confère pas de pouvoir décisionnel exclusif : les deux parents doivent continuer à coopérer dans l’intérêt de l’enfant.
En effet, le fait que l’enfant réside principalement chez un parent n’en fait pas le seul décideur.
Comment est fixée la résidence de l’enfant ?
La résidence de l’enfant peut être fixée :
- en résidence alternée, lorsque l’enfant vit une partie du temps chez chaque parent, de façon équilibrée ou quasi équilibrée (souvent une semaine sur deux),
- en résidence habituelle chez l’un des parents, avec un droit de visite et d’hébergement pour l’autre.
C’est le Juge aux affaires familiales (JAF) qui fixe la résidence de l’enfant, si les parents ne parviennent pas à s’entendre.
Le juge prend sa décision au regard de l’intérêt de l’enfant, conformément à l’article 373-2-6 du Code civil, en tenant compte notamment :
- de l’âge de l’enfant,
- de sa stabilité scolaire, affective et sociale,
- de la disponibilité et des capacités éducatives de chaque parent,
- de la proximité géographique des domiciles (surtout en cas de résidence alternée),
- de l’éventuel avis de l’enfant, s’il est capable de discernement.
📝 À noter : la résidence alternée n’est pas automatique, même en cas de demande conjointe. Le juge peut l’écarter s’il estime qu’elle n’est pas adaptée à l’intérêt de l’enfant, notamment si les parents sont en conflit aigu, vivent éloignés, ou si l’enfant est très jeune.
📎 Et si la situation évolue après le divorce ?
Les modalités de résidence peuvent être modifiées à tout moment si un changement de situation le justifie (déménagement, difficultés relationnelles, évolution de l’enfant…). Il est alors possible de saisir à nouveau le JAF pour solliciter un changement de résidence, ou modifier les droits de visite et la pension alimentaire.
❌ Idée reçue n°4 : "Je n’ai droit à rien si je ne travaille pas"
Faux.
L’époux qui n’exerce pas d’activité professionnelle au moment du divorce, ou qui a renoncé à sa carrière pour le foyer ou les enfants, peut bénéficier d’une prestation compensatoire (articles 270 à 281 du Code civil). Cette prestation vise à compenser une disparité de niveau de vie créée par la rupture du mariage.
Elle est attribuée en tenant compte :
- De la durée du mariage,
- De l’âge et de l’état de santé des époux,
- De leur situation professionnelle et patrimoniale,
- Du choix de carrière effectué pour le couple ou les enfants.
Elle est le plus souvent versée sous forme de capital, en une ou plusieurs fois. Le versement sous forme de rente reste possible, mais plus rare.
👉 Elle n’est pas automatique, mais peut être déterminante pour celui qui a sacrifié sa carrière ou ses revenus pour le couple.
❌ Idée reçue n°5 : "Le juge partage tout en deux"
Faux. – le partage dépend du régime matrimonial choisi au moment du mariage.
Contrairement à une idée très répandue, le juge ne partage pas automatiquement tous les biens en deux moitiés égales. La répartition du patrimoine commun ou des biens personnels obéit à des règles strictes, qui varient selon le régime matrimonial applicable au couple.
📘 Quels sont les principaux régimes matrimoniaux ?
Lors du mariage, les époux peuvent choisir un régime matrimonial par contrat de mariage devant notaire. À défaut, c’est la communauté légale réduite aux acquêts qui s’applique automatiquement. Voici les principaux régimes :
🔹 1. Communauté légale (sans contrat de mariage) : un partage égal des biens communs, mais avec des exceptions importantes
- Tous les biens acquis pendant le mariage (revenus, achats, placements, biens mobiliers ou immobiliers) sont présumés communs, quel que soit le nom sous lequel ils ont été achetés.
- Les biens propres (acquis avant le mariage, reçus par donation ou héritage) restent personnels.
- En cas de divorce, les biens communs sont partagés en principe à parts égales (50/50), sauf clause ou preuve contraire. Mais il existe des subtilités
- Lorsque la communauté a financé un bien propre, ou inversement lorsqu’un époux a utilisé ses fonds propres pour enrichir la communauté, des comptes doivent être faits pour rétablir l’équilibre. On parle de récompense ; Ces règles sont prévues aux articles 1433 à 1437 du Code civil, et font l’objet d’un calcul complexe lors de la liquidation du régime matrimonial, souvent devant notaire.
Les époux doivent apporter la preuve de l’origine des fonds, ce qui suppose une bonne tenue des comptes, notamment en cas de remploi ou d’apport personnel.
🔹 2. Séparation de biens : Chacun reprend ce qu’il a financé, mais attention aux créances entre époux
Dans le régime de la séparation de biens, chaque époux conserve l’entière propriété des biens acquis en son nom, pendant et avant le mariage. Il n’y a pas de patrimoine commun, sauf si les époux achètent ensemble , on parle alors d’indivision.
Ainsi, en cas de divorce, chacun reprend ses biens, et les éventuels biens indivis sont partagés au prorata des apports (en fonction de ce que chacun a réellement payé).
Toutefois, l’absence de communauté ne signifie pas l’absence de conflits patrimoniaux, notamment lorsqu’un époux a contribué au financement d’un bien appartenant à l’autre, ou s’il y a eu des investissements croisés.
C’est ici qu’intervient la notion de créance entre époux.
Lorsqu’un époux finance partiellement ou totalement un bien au nom de l’autre, il peut revendiquer une créance au moment du divorce, c’est-à-dire une somme à se faire rembourser.
🔹 3. Participation aux acquêts
- Ce régime fonctionne comme une séparation de biens pendant le mariage.
- Mais au moment du divorce, un calcul est effectué pour déterminer si l’un des époux a profité davantage du mariage : il devra alors verser une créance de participation à l’autre, en fonction de l’enrichissement constaté.
⚖️ Et le rôle du juge ?
Le juge aux affaires familiales n’intervient pas automatiquement dans le partage des biens. Il est compétent pour statuer sur les mesures relatives aux enfants, à la pension alimentaire ou à la prestation compensatoire. Mais le partage des biens est en principe traité devant un notaire, dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial (article 267 du Code civil).
❗ Si les époux ne parviennent pas à un accord, le juge peut être saisi pour ordonner le partage judiciaire, ou trancher les litiges sur la nature des biens, les récompenses, ou les créances entre époux.
Ainsi, le partage des biens lors du divorce est loin d’être automatique. Il dépend :
- du régime matrimonial,
- des actes de propriété,
- des apports et contributions de chaque époux,
- des accords passés ou des preuves disponibles.
C’est pourquoi il est vivement recommandé de consulter un avocat avant d’engager toute procédure de liquidation : cela permet d’éviter les erreurs, de faire valoir ses droits, et de préparer efficacement les échanges avec le notaire ou le juge.
En résumé
Le divorce est un processus encadré par des règles précises, mais souvent mal connues. Avant de prendre une décision ou de céder aux idées toutes faites, faites-vous accompagner par un professionnel. Un avocat peut vous aider à comprendre vos droits, à éviter les erreurs coûteuses et à trouver des solutions adaptées à votre situation personnelle.